PAYSAGES D’AUTOROUTES












L’autoroute est un lieu étrange qui nous coupe de toute relation extérieure en y pénétrant le temps d’un déplacement ou d’un péage à l’autre ; un lieu agressif et asocial, sans relation avec le monde et favorisant l’individualisation.
Propose-t-il plutôt un mouvement temporaire qu’un espace ? D’une certaine façon, il se traverse plus qu’il ne se vit ; du moins, il ne se vit que le temps de notre traversée.
Le temps d’un voyage y est paradoxal. Il est certainement le plus ennuyeux et le plus monotone qui puisse nous être offert. Il faut s’en échapper le plus vite possible !
Les paysages sont d’une grande illusion. Tous fabriqués, construits en partie par les déblais de ces rivières d’asphalte, ils s’y raccordent pour se fondre dans le réel. Ils ont été façonnés en nous donnant le sentiment de toujours avoir été là, comme une évidence naturelle, une manière de se faire oublier.
Pourtant, cet espace monumental offre le sentiment d’une grande liberté, de n’appartenir à personne, de ne dépendre de personne. Il joue un film de grands paysages, de passages qui défilent, se bousculent, s’agglutinent et se superposent dans une scène sans fin dont nous tenons le premier rôle. Il n’existe que par nous et notre voyage lors duquel surviennent, parfois, éblouissements inattendus et mirages qui fragmentent notre vision, voire nous aveuglent complètement et nous déstabilisent. Ces paysages segmentés nous défient dans une bataille solaire !
Nous roulons ainsi à l’aube naissante dans un tableau de peintre de paysages du XIXe qui nous projette dans le clair-obscur d’une vallée infinie, pour en ressortir dans un brouillard épais d’où peuvent émerger des champs entiers de ces envahisseurs récents, ces fleurs de métal, symbole de notre nouveau monde. Notre voyage se prolonge alors dans des brumes qui se transforment à l’aurore en aquarelles du pays du Soleil Levant.
C’est un espace de transition, une succession d’entre-deux ; un temps déconnecté de notre histoire et pourtant très concret, très présent ; une illusion de ce qui est, de ce que nous avons vu. Les paysages redessinés par superposition de ces instantanés issus du temps et du mouvement, sont remis en perspective dans leur dessein pour former de nouveaux paysages.
C’est un film photographique de nouveaux paysages présenté en transparence dans des caissons lumineux rétroéclairés symbolisant la voiture pour privilégier le relief de ces paysages et l’effet cinétique.