TRAIN DE LA VIE











Un jour j’ai pris le train de la vie …
J’avais entre 8 et 10 ans et je venais de recevoir comme cadeau de noël un circuit 24. Le lendemain, après avoir quitté mon oncle et ma grand-mère je rentrais de Lille en train à compartiments avec mes parents. C’est de ce train que démarrèrent mes évasions à travers ses fenêtres où je volais au-dessus de ces paysages cinétiques, aussi vite que le train puisque je venais d’avoir un circuit de courses automobiles.
C’est aussi le souvenir de nos films de vacances 8mm avec mes cousins qui surgit irrémédiablement en surimpression à ces paysages, un peu comme un parfum que vous recroisez et qui vous ramène précisément à une personne, à un lieu, à un souvenir même vieux de 40 ans. Ces images saccadées aux couleurs si particulières étaient déjà une œuvre d’art en soi.
Ces paysages de trains filés qui défilent m’envoûtent et me transportent, comme un film sans fin à travers lequel mes souvenirs se déroulent et s’enchaînent avec la sensation qu’un instant dure cinq minutes et que quelques années se traversent en une minute. Cela finit par m’endormir d’un demi sommeil où je me promène dans des rêves qui à un moment me réveillent pour laisser de nouveau place à ces paysages filés qui défilent…
Ces impressions ferroviaires me font aussi revivre ma découverte mystérieuse des peintures de Watteau ou de Poussin voire de Canaletto que je pouvais subir vers mes 10 ans sans véritable compréhension. Je les trouvais sales mais elles restaient pour moi étonnantes parce que j’imaginais que les gens pouvaient vivre dans ces toiles. À une nuance près, ce n’était pas des Watteau ou des Poussins, mais des toiles du 19ème voire du 20ème que nous appelions communément des croûtes et qui étaient conservées dans des musées perdus où les toiles comme les lieux auraient eu besoin d’une restauration en profondeur…
Puis tous les voyageurs de ces trains deviennent des personnages romanesques comme pouvait l’écrire dans La modification Michel Butor. Peut-être, était-ce une aventure rêvée que le narrateur se racontait et déroulait au fur et à mesure qu’il voyageait ; ou une aventure naissante du mystère des voyageurs que l’on croise et qui nous interrogent ?
Toujours avec rêverie je cherche à chaque voyage cette femme qui risque de se faire assassiner, La Fille du train de Paula Hawkin, dans toutes les maisons de ces paysages ; tout en me demandant si l’assassin n’est pas dans le train…